Au delà | 2013

Création au Festival d'Avignon 2013 | Durée 1h20

 

"A Brazzaville la mort est au cœur du quotidien. « Brazza la verte » est une petite capitale qui peut sembler paisible, mais on y a parfois la sensation que la vie ne tient qu’à un fil. D’abord, il y a la guerre civile. Un souvenir encore brûlant dont on n’aime pas parler, mais qui fait encore sursauter au moindre bruit ou mouvement inhabituel. Et puis il y a l’aujourd’hui. Le moindre accident ou la moindre petite fièvre peut être fatal au plus costaud. L’explosion de tout un quartier de la ville début 2012 a rappelé à chaque habitant l’insécurité et la désinformation dans laquelle il vit. Et la mort ne passe pas inaperçue. Les morts sont veillés six jours, durant lesquels l’entourage proche ou lointain du défunt s’installe autour de son domicile. Les veillées rythment la vie des quartiers et c’est presque impoli de chercher à connaître la cause du décès. Un parent, un voisin est mort, jeune ou vieux, c’est arrivé hier, ça arrivera demain, on va le célébrer, mais cette mort ne s’expliquera pas. A Brazzaville la mort est là et c’est ainsi, elle n’a pas à se justifier.

Les artistes de ce pays se présentent souvent comme des guerriers. Guerriers d’un combat pour la survie il y a moins de dix ans, « guerriers » d’un combat pour une vie meilleure aujourd’hui. A travers la danse contemporaine, je me bats pour une liberté d’expression, pour promouvoir l’action plutôt que les mots, pour faire avancer la société congolaise. Et quelles sont les « armes » d’un artiste qui évolue dans un univers où des armes d’acier ont tout effacé ? Où trouver la beauté ? Au-delà de la lamentation, où trouver un élan pour l’avenir ? En 2001 lors de mon arrivée à Brazzaville, au sortir de la guerre, la danse s’est imposée à moi comme une réponse. Mais se lancer dans la danse à cette époque, à cet endroit, c’est là encore « trafiquer » avec la mort. Travailler des jours durant sans pouvoir se nourrir, c’est un peu comme se projeter hors de son corps pour trouver la force de danser. C’est une certaine spiritualité et ma relation avec "l’autre monde" qui m’a permis de tenir et même d’avancer. Comme si sur cette terre meurtrie, les morts en savaient plus que les vivants. Avec Au-delà, je souhaite raconter comment je me suis frotté à la mort et comment les gens de mon pays s’en arrangent aujourd’hui.

Je souhaite raconter comment un rapport particulier avec « l’Au-delà » nourrit mon engagement artistique et donc politique."

Delavallet Bidiefono.